18 septembre, 2007

homo automobilis

cher ami retraité, je te respecte profondément. tu es notre ainé, et la mémoire vivante du monde actuel. tu as souvent travaillé toute ta vie, supporté des chefs d'équipe abusifs, des patrons chafouins, des fonctionnaires nafoutistes, et parfois des employés tire-au-flanc.
tu as élevé tant bien que mal des enfants qui te sont sûrement reconnaissants de toute la bonté que tu as eue pour eux.
tu as vécu les horreurs de la guerre, qui met toujours en lumière les mauvais cotés de l'homme. tu as été résistant, collabo, planqué, soldat évidemment, mais de toute facon ca n'a pas toujours été facile.

tu supportes -parfois sans te plaindre- les affres du vieillissement, et il t'arrive même de faire tes courses un autre jour que le samedi.

mais voilà: je suis un automobiliste. ma voiture est un de mes outils de travail et j'y passe une bonne partie de la journée. des clients m'attendent, j'ai du boulot, des horaires à tenir, et puis avouons-le il y a un moment où j'ai quand même un tout petit peu envie de rentrer chez moi, si ca ne te dérange pas trop.

alors malgré tout le respect que j'ai pour toi, quand tu te traines lamentablement à 90 sur la voie de gauche puis quand, au bout de ma lassitude, je décide de te dépasser par la droite et que, remarquant enfin que j'étais là, tu gueules comme un putois et me fais des appels de phares hystériques en te tapant la tempe avec l'index comme obélix; quand tu freines brutalement 400m avant un rond point totalement désert en pleine nuit avant de t'arrêter dans un freinage d'escargot névropathe pour laisser passer... rien du tout; quand tu me coupes la priorité et que je suis obligé de me mettre debout sur les freins pour ne pas te percuter, puis que tu me traites de tous les noms en gesticulant comme un primate sous cocaïne, te sentant protégé de tout, même de la logique, dans ta berline diesel de 200 chevaux te permettant de traverser les villages à 20 à l'heure, endossant tout seul sans même t'en rendre compte la responsabilité d'un bouchon de 2km alors que la circulation devrait être aussi fluide que tes selles; quand tu poses ta femme comme un sac poubelle sur une place de parking pour la garder comme s'il y avait ton nom dessus (sur la place de parking) le temps d'aller acheter je ne sais quoi ou prendre de l'essence... eh bien j'ai beau être humain, compréhensif, diplomate, non-violent et parfaitement éduqué, j'ai quand même envie de te balancer dans le fossé, de te sortir de ta voiture par ce qui te reste de cheveux, de te casser les deux genoux avec une barre de fer et de faire éclater ta tête comme une tomate en sautant dessus à pieds joints.