04 janvier, 2006

arnaque "artistique" ultime


j'ai vu ce matin sur une chaine musicale dans un bar où j'ai mes habitudes de café-journal-bise à la serveuse sans le faire exprès et à mon corps défendant quelque chose de stupéfiant: mylo.
le commentaire djeunz passant en bandeau expliquait
que c'était la relève (probablement indispensable) de daft punk et consorts et la seule chose en matière de musique (c'est important de le savoir) qu'elton john avait apprécié cette année, entre autre banalités niaises.

bien sûr, depuis les yéyés des années soixante nous sommes parfaitement habitués à entendre des reprises plus ou moins personnalisées, souvent plutôt moins que plus, d'ailleurs, ce qui est logique: quand on a de l'imagination et du talent (ou à défaut des collaborateurs prolifiques), eh bien on ne fait pas de reprises!
mais je me dois de vous mettre en garde, vous pour qui la musique se résume à la starak: le plus grand succès de coolio, c'est un morceau de stevie wonder, "je ne suis pas un héros" est une chanson de balavoine et pas de johnny qui d'ailleurs n'est qu'un simple interprète puisqu'il n'écrit rien ou presque, et TOUTES les chansons de pouffe daddy sont des reprises. la liste est malheureusement loin d'être exhaustive.

mais mylo va encore plus loin (faut le faire) dans le thème "je-suis-dj-et-je-suis-un-génie-en-passant-les-disques-des-autres". en fait je ne croyais pas cela possible, ni même légal. on peut tout au moins s'interroger sur la déontologie artistique de la démarche.

vous avez entendu parler de gloria estefan? c'est une chanteuse américaine d'origine porto-ricaine un peu désuète je vous l'accorde, mais qui a eu sa part de succès il y a quelques années. à ses débuts gloria estefan était la chanteuse d'un groupe salsa-funk qui s'appellait miami sound machine. leur seul titre de gloire est un (petit) tube qui s'appellait "dr.beat".
mylo, ce grand imaginatif doublé d'un bourreau de travail a repris non seulement la musique en y superposant benoîtement une pauvre rythmique vaguement funky, mais le clip tout entier avec une gloria estefan toute jeunette. la chanson doit avoir pas loin de vingt-cinq ans... et le clip en témoigne! en d'autres termes, il n'a rien fait, il sort un disque avec le morceau d'un autre, le clip d'un autre... et son nom dessus.

je pense que je vais me lancer dans le show-business. je suis un écrivain modeste et un musicien sans génie, mais où est le problême puisque d'autres fournissent la matière à ma place?

mon premier disque sortira bientôt dans les bacs: il s'appellera "sergent pepper lonely hearts club band", voilà qui est original à ravir! sur la photo de la pochette, je porterai un costume de musicien de clique bariolé et serai entouré de stars: marylin monroe, w.c fields, marlon brando, laurel et hardy, edgar allan poe, et même (pourquoi pas, soyons fous) les beatles! si le monde entier ne crie pas au génie novateur, je me rase le crâne et je déchire la photo du pape.

mon premier livre sortira bientôt, et je prévois le goncourt, le renaudot et le femina la même année. bernard pivot (qui en a vu d'autres) fera une émission exceptionnelle pour saluer l'avènement d'un nouveau génie de la littérature. le titre de mon chef-d'oeuvre? "les misérables", racontant l'histoire d'un ancien bagnard, jean valjean, recueillant une orpheline que je compte appeller cosette (l'idée est de moi). si le monde entier ne crie pas au génie, je déchire michel houellebecq.

trêve de plaisanterie, si pour illustrer mon propos j'ai choisi la venus de Milo, c'est tout simplement parce que c'est une oeuvre palpable. si l'on se réfère à l'étendue de sa créativité, mylo n'est même pas un pourri de connard grotesque vendant des disques à des abrutis microcéphales dégénérés: c'est un concept abstrait, et je trouvais insolite et saugrenu d'illustrer une abstraction par un quasi-homonyme représentant le contraire de sa nature profonde révélée, qui dans le cas présent se trouve être la démonstration éclatante et parfaite de l'insondable vacuité de l'industrie du disque. art=artistes, industrie=produits, vous le saviez, quand même? non? dommage.

une fois n'est pas coutume et afin de généraliser mon propos pour le rendre parfaitement compréhensible dans le contexte qui le motive, je vais finir par une blagounette.

un lapin et un serpent tous deux aveugles se rencontrent dans un champ. ne sachant mutuellement pas à qui ils ont affaire, ils décident de se tater pour faire connaissance.
le serpent:
-toi, tu as de grandes oreilles, de longues pattes propices au saut, une petite touffe de poils en guise de queue et tu mâches en permanence un chewing-gum imaginaire: tu es un lapin!
-bravo! s'écrie le lapin. à moi maintenant. toi tu as un crâne minuscule, tu es froid et visqueux, tu as la langue fourchue, tu n'as pas de couilles et pas d'oreilles: tu es producteur de disques!